Quel est l'impact des étés secs sur nos oiseaux migrateurs ?
Suite à plusieurs mois de sécheresse et de chaleur extrêmes, la pluie tant attendue s'est enfin abattue sur notre pays en septembre. Mais a-t-elle été suffisante pour réparer les dégâts causés à notre nature ? Le changement climatique est aussi synonyme de défis pour les oiseaux migrateurs. Les nombreuses zones humides où ils font escale pendant leur voyage vers le sud pour se ressourcer ont aussi payé un lourd tribut avec la sécheresse persistante.
Des escales sur la route du sud
Ceux qui prennent le temps d'observer le ciel ces moments-ci ont vraisemblablement pu admirer les nuées d'oiseaux qui survolent notre pays dans le but de le troquer contre des lieux plus ensoleillés. Chaque automne, des centaines de milliers d'oiseaux se dirigent vers le sud pour passer l'hiver dans des régions au climat plus doux, faisant grimper leur compteur de kilomètres.
Mais la route vers l'Afrique compte deux grandes barrières qui rendent le trajet risqué même pour les marathoniens les plus expérimentés : la mer Méditerranée et le Sahara. S'ils veulent traverser ces masses d'eau et de sable dans de bonnes conditions, ils sont forcés de s'arrêter à certains endroits stratégiques – des sortes de « stations-services » pour oiseaux – afin de remplir leurs réserves d'énergie. Leurs escales favorites ? Les régions marécageuses ou les zones humides riches en nourriture que nous présentons si souvent comme armes pour lutter contre le changement climatique. Mais que se passerait-il si ce même changement climatique mettait leur existence en péril ?
Si les zones humides régressent, les oiseaux en souffrent
En Belgique, nous l'avons enfin compris : les zones humides doivent être protégées. Un coup d'œil sur l'été précédent dont les précipitations contrastent avec la saison de 2022 suffit pour constater que les inondations qui ont touché de nombreuses communes auraient pu être bien pires sans ces éponges ou tampons naturels. Il est donc grand temps de restaurer notre nature humide à toute vitesse afin d'être mieux armés contre les périodes de précipitations extrêmes – qui sont aussi une conséquence du changement climatique.
Mais la restauration de ces zones humides devrait aussi devenir une priorité ailleurs en Europe, surtout dans les régions visitées deux fois par an par nos touristes à plumes. Au cours des dernières années, les populations d'oiseaux migrateurs ont déjà subi de plein fouet l'augmentation de la fragmentation et la dégradation des régions marécageuses méditerranéennes. Chaque année, les zones humides reculent en réponse aux activités humaines telles que l'agriculture mais aussi à cause du changement climatique et ses longues périodes de sécheresse.
Sommes-nous arrivés au point de non-retour ?
Mais quel est l'impact précis de la sécheresse sur les lieux où tous ces oiseaux migrateurs se posent pour un jour depuis tant d'années ? Il faudra encore de nombreuses études pour connaître les effets exacts de l'assèchement des zones humides, mais pas besoin d'attendre aussi longtemps pour tirer certaines conclusions essentielles.
La diminution des précipitations assèche les zones humides, ce qui acidifie le sol et le rend imperméable. Il n'est donc plus capable d'offrir autant de nourriture, que ce soit pour ses habitants habituels ou pour les visiteurs de passage. De plus, comme le taux d'oxygène dans le sol est trop élevé, la décomposition de matériel organique tel que les feuilles mortes s'accélère, libérant ainsi des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone dans l'atmosphère. Les zones humides perdent alors leur atout principal dans la lutte contre le changement climatique : l'emmagasinement d'énormes quantités de CO2.
Vallée de l'Yser inondée
La nature a beau être résiliente, quand la sécheresse dure trop longtemps, même les écosystèmes les plus forts arrivent à un « point de non-retour ». La modification des sols est irréversible – une catastrophe pour la qualité de l'eau, l'écosystème complexe et tous les êtres vivants qui dépendent de ces zones humides, même nos oiseaux migrateurs. Nous ignorons encore si les zones dans lesquelles ils rechargent leurs batteries cet automne sont arrivées à ce tournant, mais nous ne le saurons probablement que quand il sera trop tard...
Si la tendance à la sécheresse se renforce dans les années à venir, nos oiseaux migrateurs n'auront sans doute d'autre choix que de chercher une nouvelle trajectoire. Pas simple quand votre itinéraire est gravé dans votre système de navigation interne depuis des générations. De plus, de nombreux oiseaux s'affaibliront à cause des kilomètres supplémentaires parcourus au cours de ce détour et ne survivront pas. Une autre option pour eux serait de rester et s'adapter aux températures plus fraîches, mais cela ne serait pas une bonne nouvelle pour les oiseaux qui passent déjà l'hiver dans nos contrées. Dans chacun de ces scénarios, beaucoup d'oiseaux souffriront... La restauration des zones humides méditerranéennes est donc urgente !