Perdu… comme un pigeon ?
Certains d’entre nous semblent être nés avec une carte routière greffée dans la tête, alors que d’autres ne parviennent jamais à retrouver leur voiture dans un parking… Les animaux sont eux aussi doués de certains talents, et celui des pigeons semble être le sens de l’orientation. Comment font-ils pour se repérer dans l’espace ? Et que peut-on apprendre de ces oiseaux, d’apparence si commune et pourtant si fascinants ? Réponses dans cet article !
Un messager fiable et pratique
Les pigeons ont longtemps été utilisés pour transmettre des messages et étaient toujours considérés comme un moyen de communication discret et fiable jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale ; l’armée belge les a même employés jusqu’en 1940. En France, l’armée dispose toujours à ce jour d’une unité colombophile. On retrouve des traces d’utilisation des pigeons voyageurs sur des tablettes sumériennes vieilles de 5000 ans, et ce moyen de communication fut largement employé par la suite, que ce soit pour apporter des nouvelles du front en temps de guerre ou pour créer des réseaux d’information, par exemple en vue de commercer, en temps de paix. Les pigeons avaient l’avantage de prendre peu de place, d’êtres bien plus rapides qu’un marcheur ou un cavalier – tout en étant plus difficiles à viser – et de toujours retourner à leur pigeonnier.
Les pigeonniers étaient donc une addition assez fréquente dans les domaines ou les états-majors, car un pigeon voyageur revient toujours chez lui. Les mâles seraient dictés par leur instinct territorial tandis que les femelles reviendraient pour leurs petits. Tout ceci n’explique cependant pas comment les pigeons retrouvent leur chemin après avoir parcouru de longues distances.
Comment les pigeons s’orientent-ils ?
Le sens de l’orientation magistral des pigeons est encore sujet à débat dans le monde scientifique. De nombreuses théories ont été élaborées puis réfutées au fil des ans. Voici quelques éléments de réponse qui pourraient expliquer comment le pigeon retrouve –presque – toujours son chemin.
Le champ magnétique
Si on a longtemps cru que le pigeon se servait des routes pour s’orienter, il aurait en réalité mis en place une technique bien plus élaborée. À l’instar d’autres espèces animales telles que certains poissons (saumons, anguilles), les pigeons seraient capables de percevoir le champ magnétique terrestre et de retrouver leur maison plus facilement. Des chercheurs ont ainsi remarqué que la présence d’aimants sur le dos des pigeons perturbait leur sens de l’orientation, surtout de nuit ou quand le ciel était couvert. Autre découverte surprenante : le crâne des pigeons contient de la magnétite et de la maghémite, des oxydes de fer. Selon une équipe de chercheurs allemands, les pigeons disposeraient d’un organe ultra-sensible situé dans la peau qui recouvre leur bec, et ce sont les terminaisons nerveuses situées dans cette zone qui contiennent les particules d’oxyde de fer. Cet organe permettrait donc aux pigeons de déterminer la direction du champ magnétique terrestre en trois dimensions. Mais dans ce cas, comment expliquer que les oiseaux soient tout de même capables de retrouver leurs pénates par beau temps même en ayant des aimants placés sur le dos ? Des travaux ultérieurs ont de plus indiqué que ces particules servaient surtout à stocker le fer dans l’organisme et n’étaient pas des neurones mais des globules blancs, qui participent donc davantage au bon fonctionnement du système immunitaire des pigeons.
En 2021, des chercheurs ont tenté d’étudier les cuticulosomes, des particules de fer situées dans l’oreille interne des pigeons, à l’aide d’un microscope magnétique. L’équipe voulait savoir si ces cuticulosomes pouvaient servir de magnétorécepteurs ; malheureusement, les propriétés magnétiques des cuticulosomes ne sont pas assez puissantes pour servir de récepteurs.
Une autre théorie avance que les pigeons (comme les oiseaux migrateurs) posséderaient des protéines appelées « chryptochromes » situées dans leur rétine et que celles-ci produiraient un signal électrique qui se modifierait en fonction de la force du champ magnétique. Les pigeons auraient donc bel et bien un sixième sens appelé « magnétoréception » qui leur permettrait de s’orienter, mais il est encore difficile de déterminer comment ils utilisent cette capacité. Certaines recherches ont cependant pu prouver que des cellules associées à leur oreille interne s’activaient en présence d’un champ magnétique.
Les infrasons
Les pigeons auraient tout simplement plus d’un tour dans leur sac. Nos oiseaux utiliseraient également leur ouïe pour reconnaître les endroits qu’ils ont déjà traversés. Le géophysicien Jon Hagstrum a émis une théorie selon laquelle les pigeons pouvaient entendre des infrasons quand les conditions atmosphériques étaient idéales et que ces infrasons, inaudibles pour nous, leur permettraient de cartographier le terrain qui entoure leur pigeonnier. Il a ainsi lâché 984 pigeons entre 1968 et 1987 sur 81 jours et a remarqué que les pigeons se perdaient quand la direction des infrasons était déviée (par exemple à cause du vent).
L’odorat
Des chercheurs italiens et néo-zélandais ont quant à eux proposé une autre théorie. Ils ont sectionné le nerf olfactif de certains pigeons et le nerf trijumeau (lié selon eux à la perception du champ magnétique) de l’autre moitié des oiseaux. Résultat : les oiseaux qui avaient perdu l’odorat n’ont pas réussi à retrouver leur chemin, tandis que ceux dont le nerf trijumeau avait été coupé ont réussi à revenir en 24 heures. Certains chercheurs explorent également la possibilité que les pigeons reconnaissent les odeurs des gaz atmosphériques.
La vue
Il se peut aussi que les pigeons emploient des repères visuels pour s’orienter et qu’ils soient capables de reconnaître leur chemin en fonction de la position et de l’angle du soleil.
À l’heure actuelle, aucune de ces théories ne peut expliquer à elle seule la capacité des pigeons à toujours retrouver leur résidence. Peut-être est-ce une combinaison de tous ces facteurs, ou peut-être la science trouvera-t-elle une réponse définitive dans quelques années.