Le chat, un danger pour la biodiversité ?
Le petit chouchou des ménages belges est aussi un grand prédateur. Il chasse avec aisance oiseaux et petits mammifères. Cette prédation peut avoir des impacts sur cette petite faune sauvage et sur la biodiversité en général.
Difficile d’imaginer nos petits minous ronronnant sur les genoux autrement que comme des boules de poils adorables. On a tendance à l’oublier mais les chats sont aussi des tueurs en série redoutables. Si votre chat peut sortir de chez vous, il est probable qu’il vous ait déjà ramené une multitude de souris et d’oiseaux. Sa présence peut être une menace pour les animaux en voie de disparition, pour la petite faune sauvage en général mais aussi pour les écosystèmes tout entier.
Entre 1,3 et 4 milliards d'oiseaux et de 6,3 à 22,3 milliards de petits mammifères finissent dans le ventre des chats chaque année aux Etats-Unis selon une étude parue dans Nature. Les chats errants tuent trois fois plus que les domestiques. Ces derniers ne sont pas pour autant innocents : dans le monde, ils sont impliqués dans l’extinction d'au moins 2 espèces de reptiles, 21 espèces de mammifères et 40 espèces d'oiseaux. Et ils menacent au moins 367 espèces qui sont en danger d'extinction, comme le rapporte une étude britannique publiée en 2019.
L’animal préféré des Belges
En Belgique, les chats restent l’animal domestique par excellence. Les ménages belges en comptent plus de deux millions. Et selon le SPF Economie, ce chiffre augmente de 6% chaque année en moyenne. Ces mignons prédateurs sont donc de plus en plus nombreux. Le chat est d’ailleurs inscrit dans la liste des 100 espèces les plus invasives pour la planète, mise au point par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Cette croissance constante fait donc pression sur la biodiversité.
Cette problématique de cette prédation est régulièrement étudiée aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande ou encore en Italie. En Europe, les études se font plus rares. Néanmoins, depuis 2015, nos voisins français étudient l’impact du chat domestique sur la biodiversité. Le projet est mené par la Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères (SFEPM) et le Muséum national d’Histoire. Il s'agit d'un programme de sciences participatives invitant les propriétaires de chats de toute la France à renseigner la fréquence et la nature des proies rapportées par leur chat sur le site dédié.
Bien que l’étude soit toujours en cours, les premiers résultats indiquent que les proies identifiées concernent plus de 200 espèces d’animaux appartenant à 11 classes différentes. "Les mammifères (mulots, campagnols, musaraignes, souris domestiques, mais aussi les lapins) sont majoritaires, avec 66 % des proies rapportées par les chats domestiques, suivis par les oiseaux (surtout le Moineau domestique, le Merle noir et le Rouge-gorge familier), qui en représentent 22 %", détaille Nathalie de Lacoste, administratrice à la SFEPM en charge du programme "Chat domestique et biodiversité".
Les résultats montrent également que la prédation du chat apparaît comme une des trois causes dominantes dans la mortalité des oiseaux de jardins. L’animal cible également les reptiles (lézards, orvets) et dans une moindre mesure les poissons, les amphibiens, les araignées et les insectes.
Un instinct de chasseur
"Sur l’ensemble des proies identifiées, 75 % sont apportées mortes. Parmi elles, 52 % n’ont pas été consommées : le Chat domestique ne tue donc pas pour se nourrir", note Nathalie de Lacoste. Bien que l’animal ait été domestiqué il y a plus de 9000 ans, il a conservé ses instincts de chasseur, contrairement au chien qui a, lui, évolué. Même si votre chat est bien nourri, il va donc continuer à chasser, cela fait partie de sa nature. Il faut cependant différencier plusieurs catégories de chats : le chat de propriétaire, dont le maître va s’occuper, le chat errant, qui va de temps en temps être nourri par l’Homme et le chat haret, domestiqué mais remis à l’état sauvage.
"Les chats "de propriétaires" ne sont donc pas les seuls concernés, mais l'impact de leur prédation, qui est plus facile à suivre puisqu’ils sont identifiés, additionnée à celle des chats libres, errants et harets est nécessairement important sur la petite faune". Nathalie de Lacoste insiste également sur le fait que certaines populations d'oiseaux et autres petits animaux prédatés sont en déclin aussi du fait des activités humaines, qui, entre autres, détruisent et fragmentent leurs habitats naturels. Ce sont ces effets cumulés à la prédation des chats domestiques qui rendent leur situation inquiétante.
Un impact sur le Chat sauvage
La multiplication du nombre de chats en France et en Belgique ont aussi des effets sur les chats sauvages européens. Chez nous, on peut retrouver le chat forestier (Felis sylvestris sylvestris) dans les forêts du sud. On en compte entre 3000 et 5000 dans notre pays. Il n’est pas donc pas rare que ces espèces croisent des chats domestiques, à l’orée des bois et à l’entrée des villages par exemple. Les accouplements sont fréquents.
L’hybridation entre les organismes sauvages et domestiqués peuvent mettre en danger cette espèce protégée et faire disparaître une lignée sauvage pure. Des maladies apportées par le chat domestique peuvent aussi entraîner une mortalité accrue chez le chat forestier.
Quelques pistes…
Pour tenter de réduire l'impact de la prédation des chats sur la biodiversité, il existe plusieurs pistes. La première est sans doute la plus évidente : la stérilisation. En Wallonie, celle-ci est obligatoire depuis 2016 et en Flandre et à Bruxelles depuis 2018. Seulement, cette mesure n’est pas encore largement respectée. Le maintien permanent au domicile est également parfois mis en avant par les études, mais cette idée peut-être difficile à accepter pour les propriétaires.
Nathalie de Lacoste souligne ne pas vouloir stigmatiser les chats ou leurs propriétaires. L’enquête a pour but, avant tout, de faire prendre conscience aux gens de leurs responsabilité vis-à-vis de la biodiversité. "Une vache, un cheval ou un chien ne se promènent pas en liberté sans que cela ne soit sous la responsabilité de leur propriétaire. La notion de "liberté et indépendance" que l’on attribue volontiers aux chats doit être questionnée à cette aune-là. L'idée est de sensibiliser les propriétaires à prendre soin de leur animal, à le stériliser, à le stimuler pour limiter ses instincts de chasse et à ne surtout pas l'abandonner dans la nature puisque c'est là que son impact est le plus important", assure-t-elle.
La chargée du projet note que la prédation occasionnée par les chats domestiques est une question complexe à aborder et qu’il faut la traiter avec prudence et modeste. Elle avance qu’il n’existe pas de solution "miracle", toutefois « l’objectif vers lequel il faudrait tendre est la cohabitation entre les animaux domestiques proches de l’homme et la faune sauvage, sans privilégier les uns au détriment des autres. »