Aller au contenu principale
Mâle andrène barbue
Mâle andrène barbue

Des abeilles sauvages et des fleurs : l’andrène barbue

Pour Notre Nature, le mois de mai est aussi le mois des abeilles ! Chaque semaine, nous mettons à l’honneur l’abeille sauvage préférée d’un.e amoureux.se de la nature. Pour la dernière de la série, nous avons demandé l’expertise de Grégoire Noël, doctorant à la faculté Agro-Bio Tech de Gembloux (Université de Liège). Il a choisi l’andrène barbue, une abeille particulièrement fascinante qui a pris pour habitude de nicher… dans les trottoirs de la capitale.

favoriete-bij-zilveren-fluitje-nl.jpg

Pourquoi vous intéressez-vous aux abeilles en particulier ?

Grégoire Noël : « J’ai choisi d’étudier l’entomologie car j’ai toujours été passionné par les insectes. Je suis à présent doctorant au laboratoire d’entomologie fonctionnelle et évolutive de la faculté de Gembloux, et me lancer l’étude des abeilles était un moyen pour moi de rester en contact avec mon sujet tout en travaillant sur la sauvegarde des abeilles. Je suis très touché par la disparition des pollinisateurs ; j’ai donc voulu trouver des alternatives pour les aider et des arguments pour conserver et sauver leurs populations. »

 

Pourquoi avoir choisi cette abeille ?

Grégoire Noël : « Elle me tient particulièrement à cœur depuis que Bruxelles Environnement nous avait demandé d’étudier et de recenser les espèces qui nichent dans les trottoirs de la capitale. Le but de cette étude était de pouvoir proposer certaines recommandations techniques qui pourrait être mentionnées dans le cahier des charges de la Région bruxelloise en ce qui concerne l’aménagement urbain. Nous avons alors remarqué que l’andrène barbue était l’espèce dominante dans ce milieu si particulier. Ces abeilles solitaires peuvent par exemple construire entre 10 et 50 nids par mètre carré ! Ce sont surtout des abeilles inféodées aux milieux sableux qui ont réussi à s’adapter de manière originale à l’urbanisation. Elles atteignent les fondations sableuses des trottoirs en creusant et y installent leurs nids. Il s’agit d’abeilles bivoltines, ce qui signifie qu’elles donnent naissance à deux générations par an : une première entre le mois d’avril et la mi-mai, et une seconde fin juillet - début août. De plus, ce sont des abeilles dont on parle peu : elles n’ont pas un pelage aussi particulier que les andrènes vagues (Andrena vaga (Panzer,1799)) ou les andrènes fauves (Andrena fulva(Müller, 1766)), dont les couleurs grise et rousse les font sortir du lot. L’andrène barbue ressemble à une andrène typique et peut facilement être confondue sur le terrain avec l’andrène de Clark ou l’andrène argentée. Cependant, il est plus facile de l’identifier quand elle a été capturée. On parle souvent de l’andrène vague et des collètes, plus à la mode, mais l’andrène barbue est un peu mise de côté malgré son comportement si intéressant d’un point de vue écologique. »

 

Comment se portent les populations belges ?

Grégoire Noël : « Les andrènes barbues ne sont ni rares, ni en voie d’extinction en Belgique ou au niveau européen. Elles sont par contre menacées en Suisse. Ces abeilles se retrouvent dans tout le Paléarctique et le Néarctique ; en bref, dans toute la partie tempérée de l’hémisphère nord. Comme elles sont polylectiques, elles ne rencontrent pas de difficulté particulière pour trouver leur nourriture et sont faciles à observer sur une grande variété de fleurs. Elle peuvent se nourrir sur des Apiacées, des Rosacées, des Astéracées, des Ranunculacées, des Salicacées, des Fagacées…

L’andrène barbue est présente partout en Belgique, mais elle a changé de comportement suite à l’urbanisation croissante de notre pays. À l’instar de l’andrène vague, il s’agit d’une espèce sabulicole, mais elle a décidé de creuser ses nids dans les trottoirs. Nous avons recensé une dizaine d’espèces capables de faire de même, mais chez cette abeille, ce comportement n’est ni accidentel, ni occasionnel. Les trottoirs font partie de ses nouvelles niches écologiques, car elle a trouvé une nouvelle opportunité inattendue. »

Andrène barbue et son nid dans un trottoir
Grégoire Noël
Andrène barbue et son nid dans un trottoir

Rencontre-t-elle tout de même certains obstacles ?

Grégoire Noël : « Comme toutes les abeilles, elle a souffert de l’urbanisation et de l’intoxication due à l’agriculture, mais elle n’est pas particulièrement menacée, même si ses populations ne sont pas vraiment en expansion. Grâce aux données sur sa distribution et son évolution, nous avons tout de même constaté une légère augmentation depuis 1993, ce qui pourrait être une conséquence du changement climatique et des températures plus clémentes. Elle possède en outre un avantage évolutif en construisant ses nids dans les trottoirs, et ce comportement l’avantage dans sa recherche, de même que son menu assez élargi. »

En savoir plus


Articles liés