Comment la forêt de Soignes est-elle devenue une hêtraie cathédrale ?
Certaines de nos merveilles naturelles ont vécu beaucoup de choses. Plongez avec nous dans l'histoire fascinante de la forêt de Soignes et de son imposante hêtraie cathédrale.
Merci à la période glaciaire
La forêt de Soignes bénéficie du statut de protection octroyé par le patrimoine mondial de l'UNESCO car elle fait partie des 78 hêtraies exceptionnelles d'Europe. Un cachet bien mérité : non seulement elle abrite le plus grand hêtre du monde, mais l'âge de cette forêt est lui aussi remarquable. Le plus vieil arbre encore en vie a fêté ses 250 ans ! Même s'il ne remonte pas à l'âge de glace, cette dernière n'est pas étrangère à sa création.
Il y a 10 000 ans, la Terre a connu sa dernière période glaciaire. A cette époque, les hêtres, originaires d'Europe centrale et méridionale, ont commencé à pousser en Europe du Nord. Ils sont aujourd'hui les arbres les plus courants sur la majorité du continent.
Au Moyen Âge, les hêtres ont peu à peu disparu de nos régions pour laisser place à l'agriculture, mais ceux de la forêt de Soignes ont tenu bon. La région (et ses environs) était un terrain de chasse très prisé des ducs, qui s'y adonnaient à leur passion.
Un Autrichien à l'origine des hêtres
Entre 1714 et 1795, la population de hêtres connut une augmentation spectaculaire. Sous le règne des Habsbourg, un certain Joachim Zinner eut pour mission de restaurer la forêt, qui faisait grise mine, et de produire du bois de qualité. Aussitôt dit, aussitôt fait : il commença à planter des hêtres sur des centaines d'hectares et bâtit ainsi la hêtraie cathédrale pour laquelle la forêt de Soignes est désormais célèbre. Cette conséquence était probablement involontaire, car les arbres étaient à l'origine destinés aux travaux d'ébénisterie ou à devenir du bois de chauffe.
Après les Pays-Bas autrichiens, nos contrées ont été soumises à la domination de la France et des Pays-Bas pendant respectivement 25 et 15 ans. Joachim Zinner semble avoir été un homme très influent ou rusé, car il conserva sa position sous le régime français. En 1830, la Belgique acquit son indépendance et les hêtres plantés par Zinner fêtèrent leur centième anniversaire vers 1850-1870. Cette succession de régimes différents a provoqué quelques changements dans le plan d'origine, grâce auxquels les arbres ont atteint un âge vénérable et se sont développés pour donner la cathédrale que nous connaissons aujourd'hui.
Mais qu'est devenue la hêtraie cathédrale ?
Le terme « hêtraie cathédrale » renvoie au paysage créé par la croissance des hêtres pendant ces nombreuses années. Avec le temps, leurs troncs se sont épaissis pour former des sortes de piliers caractéristiques. Les cimes qui se rejoignent forment le toit de feuilles et la végétation marque le sol de l'édifice. Le résultat donne un vide impressionnant recouvert par un toit imposant, comme une véritable cathédrale !
Les vieux arbres qui forment aujourd'hui la cathédrale ont donc été plantés à l'époque de Zinner. Et ce sont de vrais géants : leur diamètre peut atteindre 160 cm (contre un maximum de 140 cm dans le reste de l'Europe) et ils peuvent culminer à 50 mètres de haut, soit 15 mètres de plus que la moyenne. Ils constituent 75 % de la forêt de Soignes et sont donc le symbole du poumon vert de Bruxelles.
Un arbre peut aussi devenir trop vieux et décliner. La hêtraie cathédrale finira donc par disparaître, même sans l'intervention de l'Homme. La forêt de Soignes rajeunit aussi naturellement, et ces dernières années, le constat est flagrant. Depuis le début du XXIe siècle, la surface sous les vieux arbres se recouvre peu à peu de jeunes hêtres, car leurs années de mât sont de plus en plus nombreuses.
La hêtraie cathédrale aujourd'hui
Bien que le nombre de hêtres soit impressionnant, il est crucial de maintenir une biodiversité importante dans une forêt aussi grande, et elle ne peut exister que via la culture d'autres espèces végétales. Des arbres plus rares tels que le chêne sessile, le charme commun et le tilleul à petites feuilles sont aussi plantés çà et là. Le rajeunissement naturel des arbres indigènes participe également à la variété de la forêt et le bois peut ainsi se diversifier. Cette situation est aussi avantageuse pour les hêtres, car la forêt est alors plus robuste et résiste mieux aux maladies, aux tempêtes violentes et aux changements climatiques.
La hêtraie cathédrale décline, mais ce n'est pas aussi grave que cela en a l'air. Les vieux arbres meurent, les plus jeunes les remplacent et les différentes espèces végétales assurent la biodiversité. Les gardes forestiers se démènent pour conserver la hêtraie cathédrale à certains endroits pour son côté monumental.
Vous souhaitez visiter cet édifice végétal ? Organisez une randonnée dans la forêt de Soignes, la seule zone naturelle de Belgique qui relie les trois régions.
