Ces mères qui n'ont pas besoin de mâles
Le 15 août marque le jour de l’Assomption et célèbre donc la Vierge. A priori, aucun rapport avec notre nature. Sauf que… la nature aussi peut utiliser l’immaculée conception ! Comment ? Réponses ici.
Réalité difficile à entendre mais pourtant vraie : chez certaines espèces, les mâles ne sont pas forcément nécessaires. Les animaux sont parfois en mesure de se débrouiller seuls, sans reproduction sexuée. Quelles sont ces stratégies mises en place au cours de l’évolution ?
La parthénogenèse, ou création sans fécondation
Ce nom barbare recouvre en réalité un concept assez simple : il s’agit d’ovules (ou d’œufs) qui n’ont pas été fécondés par un mâle mais vont tout de même donner naissance à des individus viables. Ce mode de reproduction n’est pas toujours la norme chez les espèces qui le pratiquent, mais peut parfois être employé en cas de nécessité. Il a été étudié pour la première fois en 1740 par Charles Bonnet, qui a découvert que les pucerons femelles étaient capables de l’exploiter parfaitement. Au printemps et en été, les femelles de certaines espèces utilisent exclusivement la parthénogenèse dit thélytoque : elles se clonent et donnent naissance à d’autres femelles parthogénétiques vivipares, créant très rapidement une nouvelle population. Une véritable catastrophe pour les jardiniers ! En automne, les pucerons passent à la reproduction sexuée pour varier le patrimoine génétique des larves à venir, qui seront cette fois des femelles sexuées et des mâles.
Les abeilles sont aussi adeptes de ce tour de passe-passe, à une différence près : les œufs non fécondés ne donneront cette fois pas naissance à des femelles, mais à des mâles. On qualifie alors cette forme de parthénogenèse d’arrhénotoque. Les ouvrières, incapables de se reproduire, peuvent techniquement pondre des œufs qui ne seront pas fécondés et elles aussi donner naissance à des mâles. Même constat chez les fourmis, dont les colonies fonctionnent peu ou prou de la même manière. Cependant, dans le cas d’une espèce, Cataglyphis cursor (des fourmis méditerranéennes), la reine n’a pas non plus besoin de mâle pour mettre au monde les princesses, contrairement aux autres espèces de fourmis.
L'invasive écrevisse marbrée
La parthénogenèse n’existe pas uniquement chez les insectes, mais peut également faire son apparition chez les poissons, les reptiles et les crustacés. Au total, 80 espèces de vertébrés peuvent se reproduire sans mâles. L’écrevisse marbrée, une espèce échappée d’un aquarium en Allemagne dans les années 1990, est devenue experte dans le domaine. Elle est considérée comme extrêmement invasive, et pour cause : sa facilité à se reproduire seule menace les autres espèces d’écrevisses. En 2020, un cimetière d’Anvers avait même été la proie de ces crustacés aussi à l’aise sur terre que dans l’eau, et qui s’y étaient rendus par centaines. Les puces d’eau, autres organismes aquatiques, sont également des adeptes du clonage. Elles gardent leurs œufs bien au chaud dans leur corps jusqu’à éclosion. Dans cette vidéo, vous pourrez assister à la naissance de ces petites bêtes à travers la peau transparente de leur mère. Émouvant, non ?
La strobilation, quèsaco ?
Ce terme étrange désigne une autre forme de reproduction asexuée. Ici, pas question d’ovules ou d’œufs, mais de division. Certaines méduses comme l’aurélie et la méduse rhizostome peuvent se reproduire en récupérant le sperme des mâles mais aussi donner naissance à des polypes qui vont ensuite se scinder et créer des individus appelés éphyrules, des larves. Dans ce cas, la méduse ressemble à une sorte de tas d’assiettes qui va se séparer et donner des individus à part entière.
Méduse aurélie
Cas particulier : la sapphomixie
Chez les rotifères bdelloïdes, des organismes microscopiques qui vivent en milieu aquatique, les mâles n’existent tout simplement pas, rendant la reproduction sexuée tout bonnement impossible. Cette reproduction de type « clonage » est souvent considérée comme un danger potentiel pour les espèces qui la pratiquent, car l’absence de diversité offerte par les gènes de deux parents distincts les rend plus sensibles aux parasites et maladies, c’est pourquoi elle existe souvent en parallèle avec une reproduction sexuée, que ce soit pour déterminer le sexe des individus ou en fonction de la saison.
Pourtant, les rotifères existent bel et bien depuis 40 millions d’années et ont réussi à survivre sans problème. Ils sont même capables d’intégrer de l’ADN de bactéries ou de plantes pour varier leur matériel génétique. Récemment, l’Université de Namur a mis au jour la reproduction toute particulière de cette espèce exclusivement féminine : la sapphomixie. En clair : les échanges de matériel génétique se font entre deux femelles et permettent à l’espèce de perdurer sans aucun mâle. Malgré leur affinité avec l’eau, les rotifères sont capables de survivre à une sécheresse extrême et peuvent pour cela se dessécher. À ce moment, leur ADN se fragmente et peut se répartir via leurs membranes, devenues poreuses, avant de se reformer. Leur reproduction si particulière aurait lieu dans ces conditions. Il s’agit d’un exemple unique dans l’histoire de la biologie.