Les nuées d'oiseaux emplissent le ciel
Le printemps ne tardera plus. N'oubliez pas de lever les yeux, car des millions d'oiseaux migreront en grandes nuées sous la voûte céleste et reviendront de leurs quartiers d'hiver ou traverseront notre pays pour retourner dans leur région d'origine plus au nord. Certaines espèces se déplacent également en groupes hors de la période migratoire. Ces nuages vivants attirent les regards, et les oiseaux qui les composent sont très ingénieux. Ceux-ci n'entrent jamais en collision et se meuvent comme s'ils ne formaient qu'une seule entité sans même avoir reçu la moindre instruction de l'oiseau de tête.
Pourquoi les oiseaux volent-ils en nuées ?
Imaginez que vous veniez d'apercevoir votre ex avec un.e nouveau.lle partenaire. Vous ne souhaiteriez évidemment pas vous retrouver nez à nez avec le couple. Comment règleriez-vous le problème ? Vous vous mêleriez sans doute à la foule. En vous déplaçant avec un groupe, vous pouvez éviter d'attirer l'attention de vos « rivaux ». Cette tactique est aussi utilisée par les oiseaux. Un rapace aura plus de difficultés à viser un spécimen en particulier pour en faire son casse-croûte au sein d'une nuée de plumes, de pattes et de becs, surtout quand les oiseaux restent proches les uns des autres. Les solitaires qui s'éloignent du groupe forment donc des cibles de choix. Les chorégraphies complexes exécutées par la nuée complètent la sensation de désorientation et de confusion. Les déplacements en groupes sont donc un gage de sécurité et sont aussi privilégiés par les poissons.
Les oiseaux se rassemblent aussi pendant la nuit. Cette technique est très pratique : ils se retrouvent avant de dormir et cherchent un arbre ou un fil électrique pour y passer la soirée. Cette énorme nuée attire l'attention et fonctionne comme un gigantesque panneau indicateur mobile pour les retardataires. Quand le groupe se met en mouvement le matin, les oiseaux savent directement où trouver leur nourriture : il leur suffit de suivre le groupe !
Déplacements sans accidents
Mais comment font-ils pour créer une telle symphonie visuelle sans jamais entrer en collision ? Les oiseaux sont tout simplement doués. Ils volent en nuées pour que tous les individus démarrent à la même vitesse. Une technique très efficace, car les accélérations et décélérations leur demandent beaucoup d'énergie – un peu comme quand nous nous déplaçons en voiture dans les embouteillages et évitons les carambolages. De plus, les oiseaux maintiennent toujours la même distance avec leurs congénères. Comme ils se déplacent à vitesse constante et gardent la même distance avec leurs congénères, ils risquent moins d'emboutir les oiseaux à côté, au-dessus et en-dessous d'eux.
Nos amis à plumes utilisent également la règle de sept : chaque oiseau surveille les mouvements de maximum sept de ses congénères volant à proximité directe. Si la nuée entreprend de virer à gauche, le mouvement sera suivi de manière fluide par tous les oiseaux, car chacun se calque très rapidement sur les mouvements de ses sept voisins. Si tous utilisent la règle de sept, ils ne pourront jamais se tromper et n'auront pas besoin de chef de file pour instaurer une direction. Il est vrai que cette tactique demande de la discipline, de la coordination et de solides réflexes, mais elle semble facile pour les oiseaux. Un vrai travail d'équipe !
L'étourneau et sa nuée
Les nuées nous font automatiquement penser aux étourneaux. Ces oiseaux aiment s'attrouper dans le ciel et leur comportement au sein du groupe a longtemps été étudié par les scientifiques, qui ont mené d'innombrables expériences sur le fonctionnement des nuées. En anglais, une nuée d'étourneaux est appelée « a murmuration of starlings». Un beau terme, n'est-ce pas ? Dans une nuée de milliers ou de centaines de milliers d'étourneaux, un seul et unique oiseau peut avertir le groupe entier et changer de trajectoire en se lançant dans des acrobaties. Admirable ! Le signal d'alarme se répand au sein du groupe comme une onde sur une surface aquatique... Il s'agirait presque d'une forme d'art.
Les étourneaux sont parfois qualifiés d'oiseaux agressifs, car ils sont très bruyants et perturbent la tranquillité des soirées estivales – surtout quand ils sont en groupes. Ils sont en outre loin d'être farouches et cherchent leurs friandises quotidiennes dans le jardin, en ville ou dans les vergers sans se gêner. Cependant, ceux qui ont la chance d'observer leur ballet magique tombent rapidement amoureux de ces oiseaux ! Surveillez bientôt le ciel, car les étourneaux qui quittent l'Europe du Nord et centrale pour passer l'hiver chez nous repartiront bientôt dans leur pays d'origine, tandis que nos étourneaux reviendront dans peu de temps de leurs vacances dans le sud.
Le choucas : une structure sociale complexe
Les étourneaux ne sont pas les seuls oiseaux qui aiment se déplacer en nuées. Les choucas volent aussi en grands groupes bruyants pour chercher un endroit où dormir ou un buffet à volonté. Et leur cri caractéristique n'est pas le seul élément à attirer l'attention, car leurs battements d'ailes produisent aussi un niveau de décibels considérable. Leurs mouvements semblent chaotiques, mais les nuées de choucas sont en réalité très structurées. Ces animaux sont de plus extrêmement intelligents et sont capables de communiquer au sein de leur structure sociale complexe. Les choucas possèdent une échelle sociale sur laquelle ils peuvent monter ou descendre, ce qui correspond en pratique à une meilleure place – ou à une moins bonne. Leurs nuées visibles en janvier et en février sont souvent composées de jeunes oiseaux nés l'année précédente qui veulent impressionner leurs congénères en faisant beaucoup de bruit et en montrant leurs plus belles cascades.
Le pigeon : le meilleur guide à l'avant
Les pigeons ont aussi l'habitude de voler en groupes, même si ce comportement ne représente pas en soi un gain énergétique, bien au contraire. Une étude britannique démontre que les pigeons qui volent en nuées battent des ailes environ 0,1 fois plus fréquemment que quand ils volent seuls. Les pigeons utilisent probablement la force du groupe comme moyen de défense contre les rapaces. Contrairement aux étourneaux, les pigeons ont une hiérarchie au sein de la nuée : le chef est celui qui sera capable d'amener le groupe à destination le plus rapidement. S'il dévie de sa trajectoire en chemin, le groupe « corrigera » son erreur et parachutera un nouveau guide à la tête de la nuée.
Autres espèces indigènes qui se déplacent en groupes
Les tarins des aulnes sont aussi agréables à observer lorsqu'ils cherchent leur nourriture ensemble dans les aulnes et les bouleaux. Ces beaux petits passereaux réalisent des acrobaties impressionnantes pour récolter les graines des strobiles d'aulnes ou des chatons de bouleaux. Avec un peu de chance, vous pourrez les observer en hiver dans votre jardin ou dans la nature, car ils quittent alors l'Europe du Nord et de l'Est pour passer l'hiver dans nos régions.
Encore un peu de patience et vous pourrez entendre les nuées d'hirondelles de rivage survoler leur zone de nidification potentielle. Une fois qu'elles sont sûres d'avoir choisi le bon endroit pour donner naissance à leurs petits, elles bâtissent – ou plutôt : elles creusent – leur nid en formant un tunnel dans les berges sableuses ou limoneuses. Les hirondelles de rivage sont de grandes amatrices de moustiques et déciment des nuées à elles seules. Il s'agit de leur définition du buffet à volonté.
La plupart des oiseaux migrateurs tels que les oies ne volent pas en nuées désordonnées, mais optent pour une formation en forme de V aérodynamique. Elles économisent ainsi de l'énergie lorsqu'elles parcourent de longues distances.