Les changements climatiques augmentent la mortalité des poissons dans nos lacs
L'effet de serre influence lourdement tout notre écosystème, et même nos lacs. Et cette conséquence n'est pas due à des périodes de sécheresse plus fréquentes et plus longues, des précipitations irrégulières ou d'autres phénomènes liés à l'eau. L'augmentation de la température entraîne toute une série d'effets étudiés jusque dans les moindres détails par les climatologues du monde entier.
L'un de ces chercheurs est le professeur Wim Thiery de la Vrije Universiteit Brussel. Son équipe est spécialisée dans le développement de modèles informatiques qui prévoient les conséquences des changements climatiques. Il a simulé différents scénarios en collaboration avec nombre de ses collègues internationaux en se basant sur les données de pas moins de 13 000 lacs de l'hémisphère nord. « Les conséquences possibles sont énormes, mais il n'est pas encore trop tard pour limiter les dégâts », explique Wim. « Cette étude démontre une nouvelle fois qu'il est crucial de respecter l'Accord de Paris. Un écosystème sous pression peut bénéficier de chaque petit pas dans la bonne direction. »
La stratification provoque des différences de température dans les lacs
Un facteur crucial dans l'écologie des lacs est la formation d'une couche supérieure plus chaude au-dessus des autres couches d'eau. « Ce processus de stratification a lieu chaque année au printemps ou en été. Le soleil réchauffe la couche supérieure des lacs, et cette chaleur va se répandre dans le reste du lac à cause de la densité plus faible de cette dernière couche. Les différentes couches d'eau ne pourront à nouveau se mélanger que quand les températures baisseront suffisamment ou que le vent soufflera. Généralement, cela ne se produit qu'en automne. »
Selon Wim Thiery, la différence de température au sein d'un même lac varie d'un endroit à l'autre : « Dans les lacs d'Afrique, il n'y a que quelques degrés de différence, mais chez nous, 10 à 15 °C d'écart ne sont pas si rares. La couche supérieure est plus ou moins à égalité avec la température atmosphérique moyenne, mais le fond des lacs belges ne dépasse parfois pas les 4°C. La température ne peut pas descendre plus bas, car la densité baisserait à nouveau et l'eau froide se mélangerait à l'eau des couches supérieures. »
« Grâce à des simulations informatiques, nous avons utilisé pour la première fois les résultats de différents scénarios climatiques comme données dans plusieurs modèles », explique Wim. « Dans le pire de ces scénarios, c'est-à-dire si nous continuons à produire une quantité illimitée de gaz à effet de serre, la période de stratification sera allongée de plus d'un mois d'ici 2099. Si nous réussissons en revanche à faire respecter l'Accord de Paris, cet allongement se limitera à 13 jours en moyenne. La différence entre ces deux scénarios est énorme, et pour un écosystème sous pression, cela crée un monde de différences. L'Accord de Paris n'est pas une mesure inutile : il peut nous aider à limiter une bonne partie des problèmes à venir. »
La formation de couches donne lieu à un effet boule de neige
Le problème principal lié à la formation de couches est que ce phénomène empêche l'oxygène de la surface d'atteindre les profondeurs du lac. Résultat : les poissons, qui recherchent la fraîcheur dans les couches plus profondes en été, courent un grand danger. De plus en plus d'habitats adaptés à leurs besoins disparaissent, ce qui provoque une mortalité massive.
D'autres organismes profitent du manque d'oxygène, comme certaines espèces d'algues toxiques qui ont une nette préférence pour les conditions anaérobies. Quand ces algues se multiplient, les lacs changent subitement de couleur et les parties plus profondes finissent par « suffoquer », ce qui n'est pas seulement néfaste pour les poissons, mais aussi pour la qualité de l'eau ; l'eau potable se fait alors plus rare.
Enfin, les lacs peuvent renforcer l'effet de serre s'ils chauffent. Quand l'eau contient moins d'oxygène, les anaérobies, des bactéries qui émettent du méthane, se développent. Si ce méthane se retrouve dans l'atmosphère, il participe au réchauffement de la planète. Le méthane est un gaz à l'effet de serre très puissant : celui-ci est 23 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone.
Autres études sur les lacs
Le professeur Thiery et ses collègues ne comptent pas s'arrêter de sitôt. « Durant les quatre dernières années, nous avons encodé des données dans notre base de données, créé des protocoles, délimité notre champ d'étude et lancé des simulations. Ces études se sont concentrées sur l'effet des changements climatiques sur la stratification ou la formation de couches dans les lacs, mais nous souhaitons davantage investiguer. Il serait par exemple intéressant de connaître la profondeur des couches de glace formées pendant les hivers à venir, la température exacte des lacs au cours du temps et la réaction biochimique des lacs sous l'effet de l'augmentation des températures. En ce moment, nous pouvons d'ores et déjà conclure que les différentes couches seront présentes plus longtemps, mais nous voulons savoir s'il en sera de même pour d'autres paramètres. En enregistrant les conséquences du réchauffement climatique, nous voyons d'autant plus l'urgence de la situation. Cette étude souligne une nouvelle fois qu'il est crucial d'agir maintenant. »