Le retour du loup en Wallonie, que faut-il en penser ?
Depuis la découverte de potentielles traces et la multiplication d’indices sur sa présence dans nos contrées belges, ce symbole de la faune sauvage n’a cessé d’être au cœur de l’actualité de ces dernières années. Aujourd’hui de retour de manière incontestable, le loup continue de faire parler de lui et divise. Admiré et accueilli par les uns, redouté et rejeté par les autres, il est vrai qu’il n’est pas toujours simple de s’y retrouver. Les quelques lignes qui suivent vous invitent à (re)découvrir qui est réellement cet animal fascinant qui fait son grand retour dans nos forêts après plus d’un siècle d’absence.
Le canis lupus, cet animal légendaire appartenant à la famille des canidés, est facilement reconnaissable par son pelage aux couleurs variables à dominante grise, son masque facial blanc, ses oreilles courtes et arrondies, sa mâchoire puissante, et une queue relativement courte. En Wallonie, ce carnivore autrefois densément répandu dans le monde entier, s’éteint en 1897, à Érezée. Revirement de situation en 2011 où les témoignages sont unanimes : les traits ne mentent pas, les empreintes, les excréments, les poils et les carcasses de proies non plus, le loup est bien de retour ! Les rapports sont si nombreux qu’en 2017 est lancé « le réseau loup », composé d’experts chargés de collecter, vérifier, valider et diffuser les données relatives aux loups. En juin 2018, un premier loup réapparaît en Wallonie, dans les Fagnes. Mais alors, comment a-t-il fait pour revenir, et pourquoi avoir choisi la Wallonie ?
La Wallonie, terre accueillante
Il est important de préciser que cette démarche n’est nullement une réintroduction opérée par l’homme, mais bien un phénomène naturel. Les quelques pays où vivaient encore des loups se sont rendu compte juste à temps de la gravité de la situation. Un ensemble de lois a alors été voté par différents états s’engageant à la conservation de l’espèce et de ses habitats, notamment au niveau européen avec la Convention de Berne (1979). Voilà comment, en tant qu’espèce protégée, le loup a pu recoloniser ses anciens territoires et a évité in extremis l’extinction. Des jeunes individus, présents dans certains de nos pays limitrophes, ont quitté la meute familiale à la recherche d’un territoire, qui s’est avéré être parfait en Wallonie. Située à la croisée des voies d’expansion provenant des populations française et allemande, elle dispose de tout ce dont a besoin un loup pour survivre. Par son côté sécuritaire, la Wallonie, région avant-gardiste dans tout ce qui touche à la protection animale, s’est positionnée pour assurer le retour de cet animal, en l’inscrivant par exemple dans la liste des espèces protégées. L’abondance de ses proies principales - les ongulés sauvages - dans nos bois et la superficie forestière grandissante l’ont aussi poussé à se réinstaller chez nous.
Une meute pour bientôt ?
Sur les 522 cas traités par le « réseau loup », 8 spécimens différents ont officiellement été détectés entre le mois d’août 2016 et celui de mai 2020. Le seul à s’être installé chez nous est le mâle Akéla, de lignée germano-polonaise, repéré dans les Hautes-Fagnes en juin 2018. Ce très grand massif forestier riche en gibier et peu fréquenté par l’humain, offre à ce loup une situation idéale. Cette découverte a été accueillie comme un petit miracle en Wallonie. Pour les autres loups, il n’existe aucune preuve d’établissement définitif, seulement le relevé d’un passage ponctuel. Aperçus dans le Namurois ou dans les Hautes-Fagnes, ces loups sont tous des mâles, à l’exception d’une femelle d’origine germano-polonaise, observée dans la commune de Waimes en janvier 2020, et en qui les experts fondent de grands espoirs. La trace de la louve retrouvée en janvier sur le territoire d’Akéla, et la période de reproduction de l’espèce, qui se situe en février-mars, permettent d'envisager la possibilité du retour d’une meute. En tant que spécimen social, le loup vit en groupe. À sa tête, un couple reproducteur et leurs jeunes de maximum deux ans, les autres les ayant déjà quitté pour former leur propre meute. L’accouplement de ces deux loups signifierait donc l’établissement quasi définitif de l’espèce dans notre région. Si louveteaux il y a, ils ne devraient plus tarder à sortir de leur tanière. En Flandre, un couple de loups a également été repéré. En mai, nous avons eu la bonne nouvelle que la femelle avait donné naissance.
Alors, constat positif ou négatif ?
L’idée d’une meute peut être séduisante pour certains, et déconcertante pour d’autres. En effet, l’éventualité d’une augmentation d’individus en Wallonie fait peur, et les dégâts qu’ils pourraient engendrer aussi. Il est vrai que même si les loups se nourrissent principalement d’ongulés sauvages, il leur arrive parfois de se jeter sur le bétail, au grand dam des éleveurs et des agriculteurs. Ils sont loin d’être les seuls sceptiques quant au retour de cet animal mythique, puisque cette peur, entretenue par les contes et histoires pour enfants, touche bon nombre d’entre nous. Il est temps de démystifier cette légende et de rétablir la vérité : cet animal a peur de l’homme, et une attaque sur un humain relève presque de l’impossible. Pour tenter de calmer les esprits et répondre aux questions des éleveurs, la Wallonie planche depuis peu sur un Plan Loup. Celui-ci compte parmi ses objectifs principaux un suivi poussé de la population, des mesures de protection visant à faciliter les indemnisations en cas de pertes de bétail, des aides pour protéger les troupeaux, et la mise en place d’une sensibilisation pour tous (agriculteurs, chasseurs, sylviculteurs, grand public, etc.).
Les avantages qui résultent du retour des loups sont malheureusement trop souvent occultés par les dégâts qu’ils occasionnent. Pourtant celui-ci est aussi une bonne nouvelle pour la biodiversité. Il nous permet d’entamer un processus collectif de réconciliation avec la nature sauvage, une chance de réapprendre à vivre avec elle. Le loup, s’il se développe davantage, jouera le rôle de régulateur des ongulés sauvages, trop nombreux dans nos forêts, mais ne provoquera jamais leur disparition. Il parviendra probablement à les disperser et à empêcher des concentrations locales, néfastes pour nos forêts. Enfin, comme démontré dans des parcs nationaux à l’étranger, le loup favorise le tourisme. Sa présence pourrait participer à l’économie locale et parallèlement propulser l’écotourisme.
Le retour du loup, souhaité ou contesté, ne laisse personne indifférant. Il est néanmoins porteur d’un message d’espoir, celui d’une nature qui retourne à ses origines malgré l’intervention de l’homme.
