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À la découverte du tétras lyre, l’emblème de nos Fagnes

Amoureux de la nature, vous avez peut-être déjà eu la chance d’apercevoir le tétras lyre, cet oiseau charismatique, mal connu est pourtant l’emblème des Hautes Fagnes. Autrefois, il était le maître des landes et tourbières belges et a commencé à se faire plus rare, pour finalement presque disparaître, et notre comportement en est une des principales causes. Loin d’être un phénomène propre à la Belgique, sa disparition l’a propulsé au rang de porte-drapeau de la crise écologique actuelle. Cet article vous invite à rentrer dans l’intimité de cet animal et à découvrir les mesures récemment prises pour lui venir en aide.

Lors d’une balade matinale sur le site naturel des Hautes Fagnes, dans la fraicheur du crépuscule, équipés de bonnes chaussures et armés de patience, vous aurez peut-être l’occasion d’assister à un drôle de spectacle, celui de plusieurs points noirs qui se font face au loin. Ce n’est que munis d’une bonne paire de jumelles que la beauté de ces animaux vous apparaîtra dans toute sa splendeur. Le petit point noir observé plus tôt se métamorphose maintenant en un sublime volatile au plumage noir à reflets bleus, étayé d’une petite tache blanche sur l’aile. Cette couleur on la retrouve sur sa queue, en forme de lyre, d’où son nom est d’ailleurs tiré.

Le tétras lyre, aussi appelé coq des bouleaux ou encore petit coq de bruyère, mesure environ 60 centimètres, du bout de ses pattes courtes et emplumées, jusqu’à sa caroncule rouge, au-dessus de l’oeil. Les femelles, au contraire des mâles, sont plus discrètes, et sont parfois confondues avec d’autres animaux comme la poule faisane ou la perdrix. Plus petites, elles disposent d’un plumage variant entre le brun clair et le roussâtre qui se confond parfaitement avec son nid, lui assurant un camouflage parfait afin d’échapper aux prédateurs.
En tant qu’espèce sociale, les tétras lyres vivent toute l’année en petits groupes, mâles et femelles très souvent séparés jusqu’à l’arrivée du printemps propice aux amours et à la reproduction. 

La femelle
Luc Meert
La femelle

L’arène est prête, place au show!

La tension est palpable sur la lande. Les mâles, queues déployées en éventail, ailes pendantes, caroncules enflées, se préparent pour un moment important. L’arène qui est une large surface plane, visible par les femelles, est divisée et chaque mâle y est cantonné à son propre espace, prêt à le défendre corps et âme. Ça y est, le spectacle commence et les premiers roucoulements se font entendre sur plusieurs kilomètres. Il n’est pas rare de les voir sauter, s’intimider, se combattre dans le but de conserver leur territoire et ne pas se le faire dérober par leurs voisins. La femelle apparaît finalement et se dirige vers le centre, sereine, afin de rejoindre celui avec qui elle s’accouplera, de préférence un mâle d’une certaine ancienneté. La reproduction ne dure que quelques secondes et, une fois fécondée, la femelle s’en va préparer son nid dans un coin plus calme, où elle pourra élever ses jeunes. Les tétras lyres aménagent toujours leurs nids, grattés dans le sol, au pied des éricacées - myrtille, airelles, bruyères, callune, etc. - pour permettre de se cacher et de nourrir les adultes. Les jeunes, amateurs d’invertébrés et d’insectes, ne se nourrissent pas de la même manière que leurs parents qui, eux, préféreront les éricacées, les bourgeons, ou encore les fleurs. Cet animal sédentaire, une fois installé dans une région, ne la quitte presque jamais. C’est le cas dans les Alpes, la Scandinavie, le Royaume-Uni, ou encore les Hautes Fagnes, et pourtant, il a bien failli disparaître de chez nous il y a peu de temps de cela. 

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Martijn de Jong

Plan de secours activé

Le tétras lyre, présent dans nos contrées depuis 10.000 ans, avait trouvé dans les Hautes Fagnes un véritable havre de paix et y vivait en abondance, ce qui explique son caractère emblématique. Malgré quelques fluctuations de l’espèce, liées à la nourriture et aux conditions météorologiques présentes depuis toujours, c’est à partir des années 90 qu’elles connurent un changement important laissant présager un déclin fatal. En effet, le boisement des landes, les mauvaises conditions météorologiques printanières, la prédation par les renards, les sangliers et les corneilles, le surpâturage des cervidés et enfin l’intervention humaine sont autant de facteurs qui ont contribué à l’épuisement de l’oiseau et à sa perte. En 2010, le nombre de mâles était descendu à moins de 10 pour remonter miraculeusement à 20 un an plus tard mais c’était sans compter sur l’incendie qui ravagea les Fagnes la même année. Suite à ce désastre, en 2017, la population fagnarde ne comptait plus que deux mâles et deux femelles. 

Heureusement, des équipes de l’Université de Liège et de l’IRNSB en collaboration avec des spécialistes allemands et néerlandais, ont décidé de réagir et de donner à l’espèce un nouveau souffle. En avril 2017, ces équipes, accompagnées du WWF et du DNF, se sont envolées pour la Suède, là où l’espèce vit en quantité, pour y capturer 5 mâles et 5 femelles. Depuis leur retour, les oiseaux ont été bagués et parfois munis d’un émetteur dans le but de suivre leur évolution. Les résultats ont presque dépassé toutes les attentes avec la découverte d’une poule en train de nicher peu après son arrivée, préparant ainsi le terrain pour ses futurs jeunes. L’initiative, couronnée de succès, a été reconduite pour deux autres expéditions, en 2018 et 2019, qui ont respectivement ramené 18 et 25 tétras, relâchés avec grand soin dans nos régions.

Prudence : animaux en cours de réadaptation

Cette action a incontestablement sauvé la population de l’extinction en Belgique, faisant repartir la courbe à la hausse, mais les experts insistent tout de même sur le fait qu’un renforcement annuel doit continuer pour assurer le maintien de l’espèce. Tout n’est pas encore revenu à la normale, et la prudence reste de mise ! Différentes mesures de protection, comme la restauration et l’adaptation de l’habitat, ont été mises en place pour garantir à ces oiseaux le bien-être et la quiétude dont ils ont besoin. Mais c’est avant tout sur notre bienveillance que les experts comptent. Des horaires et des restrictions à l’accès des sites sensibles ont été instaurés afin de préserver le périmètre de sécurité de ces oiseaux. Il est donc de notre devoir de respecter ces décisions, et surtout garder nos amis à quatre pattes en laisse, histoire de ne pas bouleverser le rétablissement de cette espèce.

Même si nos actions passées ont pu avoir de graves répercussions sur le bien-être animalier, cet exemple nous prouve bien qu’il n’est jamais trop tard pour changer le cours des choses. Avec le retour de cet animal hautement symbolique sur nos terres, la nature récupère son charme et l’écosystème sa stabilité. 


Si vous vous sentez concernés par le destin de cet oiseau , vous trouverez davantage d’informations sur les sites ci-dessous:
http://labos.ulg.ac.be/etho/tetras-lyre/
http://biodiversite.wallonie.be/fr/tetrao-tetrix.html?IDD=50334106&IDC=316

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