Les oiseaux parlent-ils tous la même langue ?
À chaque bec son chant ! Cependant, une question demeure : les oiseaux belges parlent-ils la même langue que leurs congénères qui ont séjourné aux Canaries ? Ou chantent-ils une tout autre chanson ?
« Vin on pô ! » La plupart d'entre nous comprennent cette expression, même si elle est très différente de « Viens ». Au fil des ans, les êtres humains développent leurs propres langues ou dialectes qui diffèrent d'une région à l'autre. Pourquoi? Parce que la langue n'est pas innée, mais acquise. Certains oiseaux tels que le pinson, l'hirondelle et le merle emploient eux aussi un système de communication qu'ils ont appris. Ils écoutent attentivement leurs parents ou congénères dès leur plus jeune âge et transmettent leur message à l'aide de sons ou chants appropriés. Les oiseaux qui apprennent en écoutant leurs congénères et ne disposent que d'un répertoire limité d'un ou deux chants sont plus prompts à créer des dialectes.
La cinquième symphonie du bruant jaune
Les amateurs d'oiseaux pensent parfois à la cinquième symphonie de Beethoven quand ils entendent le bruant jaune. Ce petit oiseau coloré ne connaît qu'un seul chant, et quel chant ! Il se compose d'un schéma fixe : plusieurs notes courtes chantées sur le même ton, suivies par une note plus longue et par une ou plusieurs notes plus courtes qui clôturent la série. Les bruants jaunes originaires d'une même région (quelques kilomètres carrés) chantent exactement la même chose, mais ceux qui vivent un peu plus loin ont un chant très différent, car les bruants jaunes apprennent en écoutant leurs congénères, à l'instar des mésanges, des merles et des étourneaux. Transmettre des notes dans le bon ordre, à la bonne hauteur et de la bonne longueur sans se tromper est complexe. Pensez par exemple à ce jeu qui consiste à chuchoter une phrase à son voisin ; une faute ou une déformation est vite arrivée. Cette constatation est aussi valable pour les oiseaux, qui créent donc leur propre version des chants. C'est ainsi que naissent les dialectes.
Le chant des pinsons
D'autres espèces vivent séparées de leurs congénères pendant des années. Certains pinsons ont quitté l'Europe occidentale il y a des millions d'années pour se diriger vers l'océan Atlantique. Ces oiseaux de jardin ont fini par arriver aux Canaries en passant par les Açores et Madère. Le trajet migratoire des pinsons se reflète dans leur chant, comme le montre une étude de l'université de Leiden.
Le chant des pinsons a une structure très reconnaissable : ils répètent trois à cinq fois le même air. Ils terminent ensuite par une mélodie typique, qui a permis aux chercheurs de déterminer si les pinsons des Açores, de Madère ou des Canaries parlaient la même langue. Résultat ? Il existe quelques différences très nettes. Un pinson des Açores répète la première mélodie de manière moins stricte, mais termine toujours par le second couplet. Ceux des Canaries ne répètent pas du tout leur mélodie et le dernier couplet est inexistant. Les pinsons de Madère, quant à eux, chantent un air intermédiaire.
Ville VS campagne
Les dialectes ne naissent pas uniquement à cause de la distance ou de la distorsion des informations. L'habitat peut aussi jouer un rôle. Hans Slabbekoorn (Université de Leiden) a étudié les mésanges urbaines afin de découvrir si leur chant était différent de celles de la campagne. Les bruits de la ville ont bel et bien un impact. Les oiseaux urbains rencontrent plus de difficultés pour se comprendre à cause de la pollution sonore des grandes villes. Les sons plus bas sont souvent étouffés par la circulation. Les sons plus aigus sont donc plus faciles à distinguer, et les jeunes oiseaux les entendent mieux.
Les sons plus aigus sont-ils pour autant un problème ? Hé oui, car les mésanges charbonnières célibataires des villes qui s'expatrient à la campagne pour trouver une partenaire n'ont pas la vie facile ! Les femelles mésanges charbonnières sont plus attirées par les chants plus graves. Ceci s'explique également par l'évolution : pour être capable de produire des sons plus graves, un mâle doit être en bonne santé. Il est donc logique que les mâles au chant plus grave soient considérés comme de meilleurs partenaires.