Au détour de la rivière
Après près de deux siècles d’absence, le castor revient en force dans nos régions. Fait incroyable : plutôt que de chercher l’abri idéal, il est capable de modifier son milieu afin de le rendre parfait. Un architecte visionnaire en somme ! Comment s’y prend-il ? Son mode de vie varie-t-il d’un endroit à l’autre ?
XIXe siècle. La chasse bat son plein, et le castor disparaît peu à peu. Sa fourrure imperméable fait de lui une proie de choix, et son mode de vie aquatique le rend consommable le vendredi, comme le poisson. Vaincue, l’espèce se fait rare en Europe… avant sa réintroduction, pas toujours légale, 150 ans plus tard. Depuis, le castor a largement reconstitué ses effectifs et est présent sur la totalité de notre territoire, des centres urbains de Flandre orientale aux forêts du Luxembourg.
Un Numérobis en puissance
Si la plupart des animaux cherchent l’occasion immobilière parfaite avant de s’installer, il n’en va pas de même pour ce rongeur ; ses compétences d’architecte paysagiste lui permettent en effet de s’établir plus ou moins n’importe où, du moment qu’il soit à proximité d’un cours d’eau. Ensuite, à lui de jouer ! Le plus important pour la future maison de ses rêves ? Disposer d’une entrée subaquatique, la hutte typique en hauteur n’étant pas toujours obligatoire. Parfois, un simple tunnel peut faire l’affaire ! Pour cela, le castor doit parfois un peu modifier le paysage : si le niveau de l’eau ne permet pas de recouvrir sa porte d’entrée, il va créer un barrage afin de bien la dissimuler aux éventuels prédateurs. Il est en revanche plus rare de voir des barrages au détour des rivières plus profondes et plus larges.
Le barrage permettra également au castor de ralentir le débit du cours d’eau si ce dernier est vraiment trop rapide. Il peut également lui arriver de creuser des canaux pour rapprocher sa nourriture lorsque celle-ci est trop éloignée de l’eau ou n’est pas disponible en quantité suffisante. Le castor modifie donc durablement l’architecture du paysage qui l’entoure pour qu’il réponde à ses exigences.
Le castor effectue son travail avec une facilité déconcertante grâce à ses puissantes incisives et aux muscles de sa mâchoire. Comme tous les rongeurs, ses dents poussent continuellement et sont très aiguisées ; le parfait outil de charpentier ! Il est en plus parfaitement adapté à la vie sous l’eau puisque son poil est imperméable et sa vision toujours parfaite grâce à une paupière supplémentaire qui lui permet de garder les yeux ouverts même en plongée.
Un réel impact sur l’environnement
Cependant, l’abattage des arbres, l’effondrement des berges et les dégâts causés à certaines prairies sont quelques-uns des désagréments qui peuvent être liés à la présence de castors. Autant dire que ses activités lui créent parfois des ennemis ! Les constructions parfois très impressionnantes des castors peuvent aussi entraver la circulation de certains poissons tels les truites ou les saumons et réduire leurs populations dans certaines zones.
Pourtant, les avantages sont bien plus nombreux que les inconvénients. Ses constructions permettent la recréation de zones humides, des territoires indispensables pour la survie de nombreuses espèces d’amphibiens tels le triton crêté ou la salamandre tachetée, mais aussi pour certains oiseaux comme la cigogne noire, qui a besoin de ces zones pour se nourrir. Si certains arbres peu adaptés à ce genre de milieux peuvent mourir par asphyxie des racines, d’autres espèces végétales comme la cardamine des prés vont en revanche se développer à merveille et renouveler la flore environnante. Paradoxalement, ce sont aussi ces zones humides qui vont servir de « tampons » et éviter les inondations, car la forte urbanisation de la Belgique a asséché le sol, empêchant l’eau de s’infiltrer correctement dans les nappes phréatiques. Résultat : elle reste en surface et provoque des inondations. Un autre avantage des barrages de castors : le ralentissement du débit de l’eau, ce qui va renforcer les berges. Selon une étude de l’Université de Gand, les travaux des castors augmentent la sédimentation et réduisent le risque d’érosion des berges. Le cours d’eau va donc moins sortir de son lit, ce qui évite encore une fois les catastrophes aquatiques. De plus, les pesticides ne peuvent plus s’écouler dans les cours d’eau et les polluer. En somme, le castor assainit gratuitement nos rivières !
Si dommages il y a, il est tout de même possible de demander une indemnisation et de trouver une solution pour cohabiter pacifiquement avec ce gros rongeur, comme la pose de clôtures ou de grillages pour protéger les arbres.
